Ioan Trifu est historien et politiste, spécialisé sur le Japon des XXe et XXIe siècles. Docteur des universités de Lyon et du Tōhoku, il a été chercheur en Allemagne et au Japon, avant de revenir en France, d’abord à l’université de Toulouse puis à l’INALCO. Après une thèse consacrée au gouvernement du local, son parcours de recherche l’a conduit à s’intéresser à la question du patrimoine, qu’il aborde par l’angle de la science politique comme un domaine d’action publique. Recruté en tant que post-doctorant à l’université de Francfort, il a été chargé d’étudier les politiques japonaises du patrimoine culturel au sein du programme interdisciplinaire “Protecting the Weak in East Asia”. Dans cette perspective, son attention s’est portée principalement sur l’émergence d’une gouvernance multi-niveaux — du très local au global — depuis les années 1990. Il a ainsi mené une série d’enquêtes de terrain au Japon, en particulier sur le patrimoine culinaire (Washoku) et l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO des “Sites de la révolution industrielle Meiji”. La participation au programme “Protecting the Weak” a aussi nourri des travaux collectifs, dont une étude comparative des effets institutionnels de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO sur l’administration du patrimoine de quatre pays (Japon, Chine, France et Allemagne).
A la suite de ces enquêtes, ses recherches actuelles s’inscrivent dans l’élaboration d’une socio-histoire des politiques japonaises du patrimoine. En combinant l’histoire politique à la sociologie politique, il s’agit de dépasser les présentations descriptives pour proposer une analyse, sur le temps long, de la construction du “patrimoine” comme action publique au Japon. Le projet examine en détail les phénomènes de continuités et de transformations de la législation et du cadre administratif, et les rôles joués par les acteurs politiques et bureaucratiques dans ces processus. Afin de compléter cette approche institutionnelle, la démarche s’ouvre aux autres dimensions politiques du patrimoine — comme la mémoire et le nationalisme — en interrogeant les “émotions patrimoniales”. Inauguré par une étude du conflit opposant Japon et Corée du Sud, ce volet s’est enrichi des résultats apportés par un deuxième postdoctorat, effectué à l’université de Tokyo, autour notamment des rapports entre patrimoine et catastrophes au Japon, autant dans les destructions du patrimoine que de la patrimonialisation des événements tragiques. Ses thématiques de recherche sont :
- Socio-histoire de l’action publique : le cas des politiques japonaises du patrimoine
- Jeux d’échelles et gouvernance multi-niveaux : le patrimoine, du local au global (l’UNESCO)
- Les politiques locales du patrimoine (décentralisation, revitalisation, financement…)
- Les émotions patrimoniales au prisme du politique
- Patrimoines, guerres, catastrophes : la patrimonialisation des événements tragiques et ses rapports à la mémoire et au tourisme (負の遺産…) ; destruction du patrimoine.
En parallèle de ce travail sur le patrimoine, il s’intéresse également à la place des animaux en politique et aux rapports entre démocratie et catastrophe au Japon.
Bibliographie sélective :
Trifu, Ioan et Maags, Christina, 2019, « When East Meets West: International Change and Its Effects on Domestic Cultural Institutions », in Politics & Policy, Vol. 47, No. 2, pp. 326-380. DOI : https://doi.org/10.1111/polp.12296
Trifu, Ioan, 2019, « Pour une approche socio-historique de l’action publique patrimoniale dans le Japon d’après-guerre », in Bouvard, Julien et Patin, Cléa (dir.), Japon Pluriel 12. Autour de l’image : arts graphiques et culture visuelle au Japon, Actes du douzième colloque de la Société Française des Études Japonaises, Arles, Editions Philippe Picquier, pp. 535-544.
Trifu, Ioan, 2018, « Dealing with a Difficult Past: Japan, South Korea and the UNESCO World Heritage List », in Rodenberg, Jeroen et Wagenaar, Pieter (dir.), Cultural Contestation: Heritage, Identity and the Role of Government, Londres, Palgrave Macmillan, 2018, pp. 197-217. DOI : https://doi.org/10.1007/978-3-319-91914-0_10
Trifu, Ioan et Maags, Christina, 2018, « Protecting the Weak? Tracing UNESCO’s Influence on Intangible Cultural Heritage Regimes in Japan and China », in Amelung, Iwo et alii (dir.), Protecting the Weak in East Asia: Entangled processes of framing, mobilization and institutionalization, Londres et New York, Routledge, 2018, pp. 224-253. DOI : https://doi.org/10.4324/9781351255554
Trifu, Ioan, 2017, « Reform in Late Occupation Japan: The 1950 Law for the Protection of Cultural Properties », in Journal of Japanese Law, 22, No. 43, pp. 205-230. URL: https://www.zjapanr.de/index.php/zjapanr/article/view/1136